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Jour 3 : Epais

 

— Aïeuh !

— Arrête de bouger, Maëlys, sinon ça te f’ra encor’ plus mal.

La fillette se tortillait sur le banc de la cuisine. Depuis un quart d’heure, Laïla se débattait avec l’épaisse chevelure rousse tout emmêlée, dans laquelle étaient venus se loger feuilles et brindilles, qu’elle ôtait avec des soupirs exaspérés. Mèche par mèche, la jeune femme brossait les pointes en remontant vers le crâne, pour démêler soigneusement chaque nœud, dans le but final d’en faire une tresse.

— Mais tu tiiiiiires ! s’exclama une nouvelle fois Maëlys qui grimaçait de douleur.

— Si t’étais pas allée t’rouler dans les feuilles mortes de bon matin, on n’en s’rait pas là !

La fillette croisa furieusement les bras et prit une mine boudeuse, les sourcils froncés.

— J’peux jamais m’amuser, marmonna-t-elle entre ses dents, ce qui eut pour effet de faire éclater de rire sa mère.

— Qu’est-ce qu’y faut pas entendre ! Suivre Georg dans tout’ ses bêtises, c’est pas s’amuser.

— Mais on a rien fait d’mal ! se défendit l’enfant en se retournant si vivement que Laïla lâcha la tresse qu’elle avait presque terminée.

Elle attrapa la tête de la gamine pour la faire se retourner de nouveau et lui intima l’ordre de ne plus bouger.

— Embêter le vieux Pyter, lui voler ses poissons, c’est des bêtises, ma chérie. Si t’as faim, t’as tout c’qu’y faut à la maison.

Maëlys décroisa les bras et tritura ses ongles, tête basse, soudain l’air triste. Elle soupira et répondit d’une voix à peine audible.

— Mais pas Georg…

Laïla noua un lacet de cuir au bout de la longue natte et déposa un baiser sur le crâne de sa fille. Elle aussi aurait bien aimé que le garçon rejoigne leur famille, mais son mari s’y était formellement opposé après que la vieille Luciane lui eut recommandé de ne pas le faire. Deux enfants de leur espèce dans le même village représentait déjà prendre un risque. Les faire vivre sous le même toit, c’était carrément du suicide. Qui sait quelle catastrophe avait balayé leur village de naissance !

— Allez, va maintenant, ton père t’attend.

Maëlys descendit du tabouret et s’approcha de sa mère pour lui planter un baiser sur la joue. Avant de s’éloigner, elle murmura quelques mots à son oreille :

— Personne pourra jamais nous séparer.

Laïla se redressa, tout sourire évanouit. Elle dévisagea sa fille et l’observa sortir de la maison pour se rendre à la forge, avec le sentiment que quelque chose de terrible allait arriver.

En apparence, Maëlys et Georg ressemblaient à n’importe quel enfant, si ce n’étaient leur chevelure rousse et leurs dents pointues. Pourtant, personne ne parvenait à leur donner un âge précis, tant leurs paroles parfois si matures et leur comportement étrange rappelaient qu’ils n’appartenaient pas à l’espèce humaine.

Lucane l’avait vu dans les cartes. Elle avait vu les présages.

Elle percevait dans la venue de ces deux enfants à une année d’intervalle, le signe que le destin était en marche.

Laïla se demandait souvent s’ils leur sauveraient la vie, ou s’ils causeraient leur perte.

 

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