Jour 16 : Flèche
La clarté du jour naissant n’atteignait pas encore le couvert des arbres, si bien que la femme dut faire un effort de concentration pour ne pas se prendre les pieds dans les racines qui affleuraient. Guidée par les pensées chaotiques de son protégé et la peur qui s’en dégageait, elle parvint néanmoins à s’orienter sans trop de difficulté. L’odeur de brûlé qui l’accompagnait jusque là s’estompa peu à peu, laissant place aux senteurs épicées des pins.
Rad’yo dépassa un arbre couché par le passage du troll. Les pensées de Georg se faisant plus ténues, moins précises, elle revint sur ses pas, finit par retrouver les images erratiques mais ne découvrit nulle trace des enfants. Elle soupira d’exaspération et contracta les mâchoires. Ils étaient revenus à l’époque où ils avaient été chassés de leur ancien village. Ils avaient survécu des semaines, des mois dans la forêt, se dissimulant chaque fois que des voyageurs ou des gardes passaient. On ne les avait trouvé que parce qu’ils avaient choisis de se montrer. Mais elle avait un avantage sur les villageois.
Georg, réponds-moi. C’est Rad’yo. Personne ne veut te faire de mal, ni à Maëlys. Le troll est mort. Vous pouvez sortir maintenant.
Le flot de pensées chaotiques ralentit, les images se firent moins agressives, et retrouvèrent leur teinte grisée. Rad’yo ferma les yeux, appréciant de retrouver un peu de calme. Mais elle ne pouvait pas encore couper totalement son esprit. Elle devait rester à l’écoute des pensées du garçon.
Rad’yo…
Où êtes-vous ?
Je sais pas… on a couru…
Montre-moi ce que tu vois.
Te montrer ?
Oui. Ouvre les yeux et transmets-moi les images.
Alors que le garçon ouvrait ses yeux, Rad’yo ferma les siens. En proie à une intense concentration, elle fronça les sourcils, pencha la tête d’un côté, de l’autre et soudain, elle comprit.
J’arrive !
Elle pivota et revint sur ses pas. Quelle idiote ! Depuis tout ce temps, ils se tenaient là, tout prêts, et elle n’avait rien remarqué.
La télépathe avisa un passage étroit entre deux arbres écroulés. Elle remonta ses manches et passa une main à l’intérieur. Bientôt, des doigts chauds et moites attrapèrent les siens. Elle tira et sortit les deux enfants accrochés l’un à l’autre. Georg se précipita dans les bras de sa tutrice et la serra de toutes ses forces. Rad’yo déglutit pour desserrer sa gorge nouée, et s’accroupit pour se mettre à leur hauteur. À son tour, Maëlys vint se réfugier dans le manteau de la mage et poussa un gros soupir de soulagement.
Soudain, quelque chose siffla à son oreille. La femme se releva vivement et balaya l’air de sa main devant eux. La flèche se planta dans un tronc à leur côté.
— C’est nous, bande d’abrutis !
— Dame Rad’yo ?
— Qui d’autre ?
— Je… je suis désolé ! se confondit en excuse un soldat qui déboula sur le chemin devant eux.
Il abaissa son arc et rangea dans son carquois une flèche qu’il avait sortie d’avance.
— Le seigneur Gallio vous attend.
Rad’yo soupira, rabattit la capuche sur sa tête, empoigna la main de Georg et entraîna les enfants avec elle jusqu’à la sortie de la forêt, le soldat penaud sur les talons.
Rétroliens/Pings