Jour 18 : Piège
Elle avançait, courbée en deux, ses bottes silencieuses comme les pas d’un loup, évitant racines, brindilles et feuilles mortes. Elle s’accroupit derrière un arbre et patienta un long moment, si longtemps qu’elle en eut des crampes dans les mollets, des douleurs dans les genoux. Soudain, ses pupilles s’étrécirent, un rictus déforma sa bouche, ses doigts se resserrèrent sur le manche de son couteau à l’aspect vieilli, au bois abîmé mais à la lame toujours affûtée. C’était la toute première arme que son père lui avait autorisé à forger elle-même. Elle en était particulièrement fière malgré les défauts que seul un œil averti pouvait déceler.
Elle se tassa un peu plus, dissimulée derrière le tronc d’un conifère, retenant sa respiration. À quelques pas seulement, un faisan au plumage coloré s’approchait prudemment du piège que la chasseresse avait installé la veille. Le volatile pointa le bec vers l’appât, releva vivement la tête, à l’affût du moindre danger. Puis il s’avança encore d’un pas et le collet se resserra d’un coup autour de ses pattes, dans un claquement sec. Le coeur serré, Maëlys bondit sur sa proie pour l’achever et lui trancha la jugulaire d’un mouvement vif. Quelques soubresauts plus tard, la bête avait rendu son dernier souffle. La jeune femme ferma les yeux et murmura quelque prière pour remercier la nature de son offrande et l’animal de son sacrifice.
Une branche craqua dans son dos et elle fit volte-face, sa lame ensanglantée brandie devant elle.
Les mains levées en signe de paix, un homme sortit des fourrés, un sourire aux lèvres. Ses yeux d’ambre et sa tignasse rousse achevèrent de rassurer Maëlys, qui essuya son couteau sur son pantalon de cuir.
— C’est quoi le menu de ce midi ?
— Faisan grillé. Mais il en faudrait d’autres. On ne va pas nourrir toute la famille avec ça ! râla-t-elle en brandissant sa maigre proie.
— Je vais t’aider à relever les autres collets.
— C’est fait. Ils sont tous vides.
— Tous ?
— Tous.
— C’est impossible. Cette forêt regorge de gibiers !
Maëlys hocha la tête en fourrant l’animal dans sa gibecière.
— Quelque chose les fait fuir.
— J’aime pas l’idée de devoir encore quémander à manger auprès du boucher.
— Moi non plus, mais on n’aura peut-être pas le choix, déclara la jeune femme qui passa devant Georg sans s’arrêter.
Ce dernier lui attrapa le bras. Maëlys se dégagea et se retourna pour lui faire face. Ils se toisèrent quelques secondes en silence, puis elle détala sans prévenir et disparut entre les arbres. Georg grogna de frustration et se lança à sa poursuite. Leur rire résonna dans l’air matinal.
Rétroliens/Pings