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Jour 5 : Lame

 

La fillette contourna l’habitation et arriva dans la rue principale. Tout en haut, les marchands installaient déjà leurs étals et les rumeurs d’une agitation lui parvenaient.

— Maëlys !

La grosse voix de son père, l’interpellant depuis l’intérieur de l’atelier la tira de sa rêverie. Elle sursauta et poussa la lourde porte. Le forgeron, un homme grand, aux épaules carrées et à la barbe sombre et fournie, lui lança un regard sévère.

— Pas l’temps d’traîner c’matin, fillette, on a du boulot. Attrape-ça !

Il lui lança un tablier de cuir spécialement découpé et cousu à sa taille, qu’elle réceptionna au vol avec des gestes précis. Elle l’enfila tout en se dirigeant vers la forge, et empoigna un soufflet qu’elle actionna une fois près du feu.

— On va pas au marché ce matin, papa ?

— Non, maman ira porter la charrette à Fara, tout à l’heure. J’ai reçu une commande pour le Seigneur Gallio. Et tu vas m’aider.

— C’est pas ce que je fais tous les jours, déjà ? rétorqua la gamine sur un ton de défi sans quitter les flammes du regard.

— C’est pas ce que j’ai voulu dire. Aujourd’hui tu vas forger.

Maëlys se retourna vivement, quelques mèches de ses cheveux roux s’échappant de sa tresse. Dans son regard brillait une lueur d’excitation.

— Tu vas me laisser forger ? Des lances, des épées, des piques ?

Tadeus partit d’un éclat de rire qui résonna dans tout l’atelier. Maëlys se renfrogna et actionna le soufflet avec un peu plus de vigueur, l’air boudeur. Le forgeron sécha une larme et soupira en reprenant son sérieux et s’approcha de sa fille. Il s’agenouilla pour se porter à sa hauteur et posa une grande main dans son dos.

— Prends pas cet air-là. Tu vas quand même forger ta première lame.

Il sortit d’un étui à sa ceinture un petit couteau qu’il tendit à l’enfant par la lame.

— Une lame comme celle-là. Ton premier couteau, rien que pour toi.

Maëlys reposa le soufflet et prit entre ses petits doigts le couteau que son père lui présentait. C’était la première fois qu’il la laissait prendre une arme et ses gestes étaient emplis de précaution.

— Tu t’rappelles, c’est pas un jouet, c’est une arme. Même si la lame est petite, ça peut faire sacrément mal si tu frappes quelqu’un avec.

Elle hocha la tête solennellement.

— Promis, je ferai attention.

— J’en doute pas, répondit le père en se relevant.

Il passa affectueusement un index sur la joue de sa fille et retourna à son établi pour y préparer ses outils.

— Et… et c’est tout ? l’interrogea l’enfant, perplexe.

— Ce sera la première étape. Si je trouve que ton travail me plaît, si tu es suffisamment appliquée, alors tu m’aideras à en forger d’autres comme celui-là. Les seigneurs de guerre ont besoin d’épées, de lances et de piques, comme tu dis, mais ils ont aussi besoin de lames plus courtes, plus discrètes. Sans compter les cuisiniers, les palefreniers et tout le petit personnel.

Maëlys reposa le petit couteau sur la table et continua d’animer la forge jusqu’à ce qu’un feu vif danse dans le four. Du coin de l’œil, Tadeus surveillait chaque geste de l’enfant, toujours ébahi par le fait qu’elle ne semblât pas souffrir de la chaleur extrême des flammes.

 

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